Capter une œuvre dramatique, pas aussi facile qu’on croit

A l’époque où chacun peut s’improviser camerawoman/man avec son téléphone, c’est souvent une surprise pour les compagnies de théâtre d’apprendre que filmer leur production nécessite en parallèle l’autorisation de l’autrice ou de l’auteur de l’œuvre et, partant, la signature d’un contrat de captation!

Une clause du contrat de représentation de la SSA, qui accorde à une compagnie le droit de représenter l’œuvre dramatique sur scène, précise sans ambiguïté que cette dernière n’acquiert pas le droit de la capter sur support sonore ou audiovisuel.

Toute autrice ou auteur dispose en effet du droit de décider de quelle manière son œuvre sera utilisée. Savoir son œuvre représentée le temps d’une tournée est une chose, mais la voir diffusée à la radio ou à la télévision, reproduite et vendue en DVD / CD ou mise à disposition sur internet en est une autre. En effet, de telles exploitations pourraient concurrencer de nouvelles créations à la scène et parasiter l’exploitation du droit de représentation par l’autrice ou l’auteur.

Tout un éventail de droits patrimoniaux sont susceptibles de revenir à l’autrice ou l’auteur sur l’exploitation de l’œuvre captée; certains sont perçus par la SSA: les droits de diffusion, de reproduction et de mise à disposition, ainsi que tous les droits gérés obligatoirement par les sociétés de gestion. Le contrat de captation modèle de la SSA organise l’octroi de l’autorisation à la société de production puis la rémunération de l’autrice ou de l’auteur proportionnellement à chaque exploitation, la remise de décomptes semestriels ou annuels, etc.

La société de production de l’enregistrement audiovisuel peut être la compagnie de théâtre elle-même; c’est elle qui devra alors obtenir l’autorisation de captation. Si cette dernière s’en remet à une société de production tierce pour effectuer la captation puis pour l’exploiter, c’est cette société qui passera le contrat de captation avec l’autrice ou l’auteur et la SSA. Même dans cette hypothèse, la compagnie de théâtre ne peut s’affranchir de toute responsabilité à l’égard de l’autrice ou de l’auteur: elle doit rappeler à la société de production, au moment de laisser filmer sa création, qu’elle n’a pas l’autorisation de captation et qu’il lui incombe de la rechercher auprès de la SSA.

Filmer un spectacle vivant peut faire naître l’envie d’une ou d’un cinéaste d’aller au-delà d’un enregistrement traditionnel et de filmer l’œuvre de scène de manière innovante en «recréant» le spectacle pour l’écran. Dans ce cas, la valeur artistique ajoutée par la ou le cinéaste doit à tout le moins, si elle n’a pas fait l’objet d’un dialogue créatif préalable avec l’autrice ou l’auteur de l’œuvre de scène, faire l’objet d’une autorisation d’adaptation de la part de cette dernière ou de ce dernier. Le modèle de la SSA intègre cette composante «recréation» par le biais de ses différentes variantes à sélectionner.